Loup, la part sauvage

illustration loup encre aquarelle
Ange gardien, papier A5 encre et aquarelle

Le loup habite mon imaginaire depuis l'enfance, tel un compagnon, instinctif et intelligent, un protecteur. Ma vision du loup se rapproche de la culture amérindienne qui considère le loup comme un éclaireur, un guide, un humble enseignant. Bénéficiant d'un large champ de vision, le loup voit le jour comme la nuit, peu de lumière lui suffit. Il invite à s'éloigner des certitudes et des conventions, à s'appuyer sur ce que l'on ressent, à être vrai. "Regarder dans les yeux d'un loup, c'est voir son âme" disait Aldo Léopold, forestier et écologue.

 

Créer un lien authentique avec un animal comme le loup, c'est accepter sa beauté comme sa férocité. Cette nature sauvage qui peut nous effrayer, nous la portons aussi en nous. Nous l'avons peut-être oubliée en évoluant dans un monde urbanisé et de plus en plus homogénéisé, presque domestiqué, mais elle est toujours présente. 

 

"Le salut du monde passe par l'état sauvage"

Henri David Thoreau

peinture contemporaine loup foret
A pas de loup, papier 110x75cm, fusain et acrylique

 

La place du loup

La place que le loup occupe dans les cultures révèle souvent le lien que celles-ci entretiennent avec la nature. Selon la mythologie inuite, le loup et le caribou ne sont qu'un car si le caribou nourrit le loup, le loup conserve le caribou en bonne santé en mangeant les faibles et les malades. Chez les Indiens pawnees, l'homme et le loup sont frères, tous deux désignés "pawnee". Mais en Europe, lorsque l'homme est devenu agriculteur et éleveur, le loup a été considéré comme une menace pour les troupeaux et les revenus. Quant à la religion chrétienne, elle a condamné le canidé comme un reliquat lié aux anciennes croyances, telle une incarnation diabolique et absolue du sauvage. Dans ce contexte sont nées de sordides histoires de loups sanguinaires nourries d'ignorance et de superstition. On ne peut certes ignorer que des loups peuvent s'en prendre à des bêtes d'élevage, qu'on compte d'exceptionnelles attaques d'hommes et que lors de guerres ou de famines, des loups ont dévorés des cadavres par opportunisme. Cependant, l'homme a multiplié de manière subjective les projections irrationnelles et malveillantes à l'égard de cet animal. Dans les pays où le loup a été éradiqué, la présence du loup est source de tensions tandis que dans les pays européens où il n'a jamais disparu, l'humain n'a pas oublié comment cohabiter avec le canidé. 

couple de loups aquarelle
Loups, papier 110x75cm, aquarelle et gouache

 

Vie en meute

Le canis lupus vit en meute, il a le sens de la famille, il est social, discret, et aime jouer à tout âge. Un couple dominant respecté  veille au bien-être commun des membres de la meute. La meute prime sur l'individu, elle a besoin d'harmonie, pas de tyran. Les loups n'aiment pas les despotes. Au sein de la meute, on prend soin les uns des autres, on s'occupe des malades et des blessés. Les loups pleurent leurs compagnons disparus, parfois même des années, ils font preuve d'amour comme de compassion. Les rituels, tel que les hurlements communs, la cérémonie du réveil ou la salutation du couple dominant rassemblent la meute, servent de repères et assurent la cohésion du groupe. Quotidiennement, les loups échangent des signes d'affection, d'amitié et de tendresse qui renforcent leur lien.

La vie en meute n'est cependant pas toujours un long fleuve tranquille. Les conflits entre membres peuvent se produire. Il arrive  qu'un membre, souvent un jeune mâle, soit également forcé de quitter la meute sans ménagement, ce qui s'avère difficile pour les jeunes loups. 


Câlins de loups 1, aquarelle et encre, papier 21x30cm
Câlins de loups 1, aquarelle et encre, papier 21x30cm
Câlins de loups 2, aquarelle et encre, papier 21x30cm
Câlins de loups 2, aquarelle et encre, papier 21x30cm

peinture contemporaine meute de loups
La meute, papier toilé 100X70cm, fusain et gouache-acrylique
peinture loup et femme, colère
La limite, papier 120x140cm, fusain et gouache-acrylique

Chasse et territoire

La méthode de chasse du loup repose principalement sur ses aptitudes à la course, rapide ou d'endurance, ainsi que sur son odorat. Contrairement au félin, il ne peut pas compter sur des griffes rétractiles ou sur une puissante mâchoire. La mâchoire du loup lui permet de mordre mais pas de porter le coup fatal. Il peut donc consommer une proie encore vivante. Grâce au tissu particulier tapetum lucidum qui tapisse le fond de ses yeux, le loup n'a pas besoin de beaucoup de lumière pour voir et peut chasser de jour comme de nuit. Son champ de vision atteint également les 250 degrés. L'expression "entre chien et loup" désigne le crépuscule lorsque le loup va chasser les proies actives en début de nuit. 

Considérés comme de grands prédateurs, les loups qui chassent en meute peuvent tuer des proies beaucoup plus grosses qu'eux, tel un cerf ou un bison. Si il y a des louveteaux ou des loups blessés restés à la tanière, les loups partis à la chasse régurgitent ensuite la nourriture pour les nourrir. 

Entre un gibier sauvage et un animal d'élevage, une proie est une proie pour le loup, et plus elle est accessible, plus elle est attractive. Peut-on l'en blâmer ? Cependant, si il apprécie la viande, le canidé peut également consommer des courges ou du poisson par exemple. La force du loup réside dans sa capacité à s'adapter. Il reste toutefois un carnivore et joue ainsi un rôle important dans le fragile équilibre de nos écosystèmes. 

Une meute se compose en moyenne de 4 à 6 individus pour un territoire de 250 à 300 km2 en fonction de la ressource alimentaire disponible. Les jeunes qui quittent la meute pour fonder leur propre meute peuvent facilement parcourir 300 km. Grâce à la dispersion, le loup recolonise peu à peu les territoires desquels ils avaient été chassés. 

Intelligents, les loups modifient leur comportement face à leur adversaire. Confronté à un ours, les loups ne vont pas rechercher le conflit, d'instinct, il agissent pour leur survie, quitte à fuir. Cependant, si la défense d'un territoire s'avère vitale et inévitable, les meutes peuvent s'affronter. Cet esprit combattif n'est pas un privilège de carnassier. Les cerfs ou les mouflons, de braves herbivores, peuvent combatte violement pour accéder à la place dominante. 

 

 

loups forêt
Le refuge, papier 61x91 cm, fusain, crayon et acrylique

Equilibre 

Incontournable des contes et des légendes, animal fascinant et mystérieux, le loup traine pourtant une sordide réputation d'être malfaisant. A contrario, les récentes histoires de gentils loups, bien civilisés, parfois même végétariens, m'exaspèrent tout autant. Sommes-nous incapables d'accepter la nature telle qu'elle est ?

Au sein du parc de Yellowstone créé en 1972 aux Etats-Unis, l'éradication du loup a précipité l'environnement du parc dans le chaos. La réintroduction des loups en 1995, septante ans après leur disparition, permet de rééquilibrer la nature : la diminution des coyotes permet la reproduction des petits rongeurs et des lièvres, ce qui crée plus de nourriture pour les renards et les aigles; la diminution des wapitis permet aux saules et aux trembles de pousser ce qui attire l'élan ainsi que les castors qui eux-mêmes créent des étangs accueillant diverses espèces d'oiseaux et de poissons; la diminution des coyotes et la prolifération de poissons bénéficient aux loutres ; les rives moins pâturées peuvent se régénérer et améliorer la qualité de l'eau. L'écologue Aldo Léopold expliquait que si un vieux cerf tué par des loups peut être remplacé en 2 ou 3 ans, une montagne boisée mise à mal par l'excès de cerfs a parfois besoin de 2 ou 3 décennies pour se reconstituer.